L’Évangile selon Luc est le plus “moderne” des quatre Évangiles. Son enracinement dans le monde grec le rend plus proche de nous, puisque la culture grecque a été le berceau des cultures occidentales. La tradition chrétienne considère Luc comme l’auteur du troisième Évangile. Le même auteur a écrit aussi le livre des Actes des Apôtres.
Qui est l’évangéliste Luc ?
Luc est un grec, qui n’a jamais rencontré Jésus de Nazareth. Il a probablement été évangélisé par Paul. Il est mentionné dans quelques épîtres : “le cher médecin Luc” (Colossiens 4,14) ; un collaborateur de Paul (Philémon 24) ; avec Paul à Rome (2e Timothée 4,1). Dans le livre des Actes l’auteur utilise parfois le “nous”, un indice qu’il fait partie du voyage de Paul qu’il raconte (voir Ac 16,10-17 ; 20,5-15 ; 21,1-18 ; 27— 28). Son écriture élégante, précise et riche en vocabulaire révèle un homme cultivé.
Il montre aussi une excellente connaissance des Écritures juives (notre Ancien Testament). Il les cite souvent, à partir du texte grec de la Septante [1]. Le temps de la Promesse est si important pour ce chrétien grec que Luc place l’intelligence des Écritures au coeur de la catéchèse du Ressuscité à ses disciples, sur le chemin d’Emmaüs et à Jérusalem (24,25-27.45-47).
Dans quel but Luc écrit-il et pour qui ?
L’Évangile de Luc est le seul où l’auteur apparaît : “Puisque beaucoup ont entrepris de composer un récit des événements accomplis parmi nous, d’après ce que nous ont transmis ceux qui furent dès le début témoins oculaires et qui sont devenus serviteurs de la Parole, il m’a paru bon à moi aussi, après m’être bien informé de tout depuis les origines, d’en écrire un récit ordonné pour toi, cher Théophile, afin que tu te rendes bien compte de la solidité des enseignements que tu as reçus.” (1,1-4). Le verbe qu’on traduit “informé” ici signifie “suivre de près”, fidèlement. Son but est de montrer la solidité et la profondeur de la catéchèse que Théophile a reçue. Non pas pour le renseigner mais pour lui enseigner à vivre l’Évangile le mieux possible.
Qui est ce Théophile ? peut-être un notable, ou celui qui finance l’oeuvre de Luc et sa diffusion. Mais le sens même de son nom est plus intéressant : Théo—phile signifie“qui aime Dieu”. L’Évangile de Luc serait-il dédié à chacun de nous personnellement ?
On pense que Luc écrit vers l’an 85, car il semble avoir connu la chute de Jérusalem en 70 (19,43-44 ; 21,20.24). Il s’adresse à des communautés de culture grecque, peut-être reliées aux missions de Paul. Il utilise une version écrite de l’Évangile de Marc dont il tire environ 35% de son livre. Un autre 20% provient d’un document qu’on appelle “source Q”, utilisé aussi par l’Évangile de Matthieu. Tout le reste vient de sources qui lui sont propres.
Comment Luc voit-il l’histoire du salut ? L’aujourd’hui de Dieu !
Pour Luc le salut de Dieu est contemporain de tout être humain. “Le Salut de l’humanité, bien que réalisé une fois pour toutes par le Christ Jésus, à une époque et dans un lieu déterminés, est une réalité toujours actuelle, dynamique et efficace. En tant que révélation de sens et don de vie en plénitude, le Salut fait irruption dans la vie d’une personne lorsque celle-ci rencontre le Christ, à la faveur de la Parole proclamée et écoutée. C’est alors le moment de l’aujourd’hui du Salut, le début d’un dialogue entre l’expérience de vie d’une personne et la Parole de Dieu.” [2] Luc utilise le mot ‘aujourd’hui’ 12 fois dans son Évangile et 10 fois dans le livre des Actes (au total en Mt-Mc-Jn : 7 fois).
Voici quelques exemples : l’annonce aux bergers : aujourd’hui vous est né un Sauveur (2,11). Lors du premier discours de Jésus à la synagogue : aujourd’hui l’Écriture s’accomplit (4,21). Dans le Notre Père : Donne-nous aujourd’hui le pain (11,1-4). À Zachée : aujourd’hui le salut est venu dans ta maison (19,9). En croix : aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis (23,43).
Cette histoire du salut s’inscrit dans l’histoire de vie des gens quand le plus petit geste de salut est posé envers quelqu’un. Luc va donc privilégier le récit comme mode d’expression de la Bonne Nouvelle. De toutes les paraboles des Évangiles, 40% sont dans son livre.
La compassion et le pardon de Dieu : la Bonne Nouvelle
Le chapitre 15 de l’Évangile de Luc nous fait découvrir le visage miséricordieux de Dieu qui nous cherche et nous accueille. Trois paraboles expriment son bonheur de retrouver les gens qui étaient éloignés de Lui. Ces paraboles de la miséricorde nous font découvrir que nous avons tous du prix aux yeux de Dieu, qu’Il ne nous abandonne pas car Il nous aime. Cette compassion de Dieu est présente partout dans cet Évangile, dans les paraboles et les attitudes de Jésus, jusque dans sa prière de pardon en croix (23,34). Dans la catéchèse de Luc, la miséricorde est l’essentiel de la Bonne Nouvelle.
Accueillir cette Bonne Nouvelle nous conduit à agir avec la même compassion que Dieu : “Devenez compatissants comme votre Père est compatissant” (6,36). Le partage et les rapports sociaux sont donc des thèmes importants pour Lc. Exemple : ‘Lazare et le riche’ (16,19-31).
L’Évangile de l’Esprit Saint
Toute l’oeuvre de Luc est habitée par la présence active de l’Esprit. Il est le moteur de l’histoire du Salut : il nous aide à en reconnaître les signes et il pousse Jésus et l’Église à agir pour en témoigner. Dès le début de l’Évangile, l’Esprit agit en Marie, Élisabeth, Zacharie, Syméon et Anne (1—2). À son baptême, Jésus est “rempli de l’Esprit” qui le pousse au désert, puis vers sa mission en Galilée. Jésus le désigne dès sa première parole publique : “L’Esprit du Seigneur est sur moi” (4,18). Et la dernière parole du Ressuscité aux disciples leur promet qu’ils recevront ce dynamisme de l’Esprit (24,49). À partir du récit de la Pentecôte (Ac 2), l’Esprit devient le moteur de toute la mission de l’Église, poussée à proclamer la Bonne Nouvelle au monde entier.
La prière de Jésus et de ses disciples dans l’Évangile de Luc.
L’Évangile de Luc insiste plus souvent sur la prière. Celle de Jésus d’abord, qui revitalise sa relation à Dieu et sa fidélité à témoigner de Lui. Luc est le seul à mentionner la prière de Jésus au baptême et à la transfiguration (3,21 ; 9,28-29), avant le choix des apôtres et pour Pierre avant la Passion (6,12 ; 22,32). Il invite aussi les disciples à prier et leur donne des exemples de priants dans 2 paraboles (11,5-8 ; 18,1-7). Luc enracine notre prière dans celle de Jésus : ses disciples, le voyant prier, lui demandent de leur apprendre. Jésus leur enseigne alors le Notre Père (11,1-4).
Jésus et les femmes
Luc est l’évangéliste qui donne le plus de place aux femmes : Marie, Élisabeth et la prophétesse Anne, la femme pécheresse pardonnée (7,36-50), la veuve de Naïn (7,11-17) et la femme voûtée (13,10-17), Marthe et Marie (10,38-42). Luc précise que des femmes font partie du groupe des disciples (8,1-3 ; 24,22). Dans des paraboles propres à Luc, elles sont figures de Dieu qui nous cherche et de prière persévérante (15,8-10 ; 18,1-8). Ce souci reflète aussi le rôle important des femmes dans les débuts de l’Église, que Luc relate dans le livre des Actes.
Plan de l’Évangile de Luc
Introduction : 1,1 — 4,13
Prologue de l’auteur (1,1-4)
Naissance et enfance de Jean et de Jésus :
— achèvement du temps de la Promesse, le mystère révélé
Prélude à la mission : Jean, baptême, généalogie, désert (3,1 — 4,13)
- A) Mission en Galilée — temps du salut en Jésus : 4,14 — 9,50
Prédication inaugurale à Nazareth :
L’identité de Jésus et son programme de salut (4,14-30)
Le salut en actes : foules, disciples et adversaires (4,31 — 6,11)
- B) En chemin vers Jérusalem : 9,51 — 19,28
Entrer dans la dynamique du salut : un chemin à suivre
Enseignements aux disciples et aux foules, guérisons et paraboles
Thèmes principaux : aimer le prochain, prier, Dieu et Jésus cherchent
les perdus, le danger des richesses, le destin du Fils de l’homme
- C) À Jérusalem : 19,29 — 24,53
Entrée messianique, enseignement au Temple, affrontements avec les autorités (19,29 — 21,38)
Passion et mort (22 — 23)
Tombeau vide, apparitions et enlèvement (24)