On lit trop souvent ces paraboles dans l’horizon de la 3e, dite ‘du fils prodigue’, qui met l’accent sur le repentir. Oui, ce thème du repentir est présent dans nos deux finales. Mais on notera que Jésus ne semble jamais poser de condition préalable aux pécheurs qu’il accueille.
À la recherche des perdus (Lc 15,1-10)
Tous les publicains et les pécheurs s’approchaient de Jésus pour l’écouter. 2 Et les pharisiens et les scribes critiquaient, disant : “Celui-ci accueille bien les pécheurs et il mange avec eux !”
3 Alors Jésus leur dit cette parabole :
4 “Si l’un de vous a cent brebis et qu’il en perd une, ne laisse-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert et va vers la perdue, jusqu’à ce qu’il la trouve ? 5 Quand il l’a trouvée, tout joyeux il la prend sur ses épaules, 6 et de retour à la maison, il rassemble les amis et voisins en leur disant : ‘Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé ma brebis, celle qui était perdue !’
7 Je vous dis qu’ainsi, il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de conversion.
8 Ou si une femme a dix pièces d’argent et qu’elle en perd une, n’allume-t-elle pas une lampe, et balaie la maison et cherche avec soin jusqu’à ce qu’elle la trouve ? 9 Quand elle l’a trouvée, elle rassemble les amies et voisines en disant : ‘Réjouissez-vous avec moi car j’ai retrouvé la pièce que j’avais perdue !’
10 Ainsi, je vous le dis, il y a de la joie chez les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se convertit.”
Un peu de vocabulaire
Publicains, pécheurs, pharisiens, scribes : cf. feuillet sur le monde juif.
Accueillir : Ce n’est pas le verbe habituel au sens normal, comme La foule le suivit, Jésus l’accueillit (9,11). Le verbe ici a un sens intense, souvent traduit ‘attendre, espérer’. Même verbe : “Siméon attendait la consolation d’Israël” ; “Joseph d’Arimathie attendait le Règne de Dieu” (2,25 ; 23,51). C’est donc accueillir ce qu’on désire ardemment.
Parabole : histoire que Jésus invente pour faire réfléchir, souvent pour maintenir le dialogue quand des gens n’aiment pas ce qu’il dit ou fait.
Dans le ciel et chez les anges de Dieu : images pour évoquer Dieu lui-même, qu’on préférait éviter de nommer trop directement.
- A) Se situer dans le récit (réflexion personnelle, sans échange)
Me rappeler une expérience où j’ai perdu quelque chose qui me tenait vraiment à coeur. Mes émotions, réactions, actions, etc.
- B) Explorer le récit d’Évangile
Situation de départ (v.1-2) : ce qu’on connaît des personnages nous aide à comprendre comment ce qui se passe ?
Les 2 paraboles : Repérer les répétitions entre les 2 paraboles.
– On les appelle ‘la brebis perdue’ et ‘la drachme perdue’ mais si on lit bien, on voit que c’est l’expérience des personnages qui est mise en valeur par les récits. Peut-on donner d’autres titres à ces paraboles ?
Jésus raconte ces paraboles pour répondre à la critique faite sur son attitude envers les pécheurs. Comment le berger et la femme sont-ils des figures symboliques de Jésus ? De ses manières habituelles d’agir ?
– Que veut-il faire comprendre sur lui-même aux pharisiens et scribes ?
– Quel regard leur propose-t-il de porter sur les gens pécheurs ?
- C) Éclairer ma vie à la lumière de l’Évangile
– Quel regard suis-je invité à poser sur les gens pécheurs ? Cela m’est-il facile ou difficile ? Puis-je fêter et me réjouir pour leur retour ?
– Quel regard est-ce que je porte sur moi-même quand je désapprouve ce que j’ai fait, ou que je ne me trouve pas à la hauteur ? Comment puis-je me regarder avec les yeux de Jésus ?
- D) Éclairer mon cheminement spirituel
La conclusion répétée pour les 2 paraboles nous oriente vers la joie de Dieu lui-même. Puis-je percevoir Dieu à travers les figures symboliques du berger et de la femme ? ce qu’il espère ? ce qu’il fait ?
On dit que Dieu pardonne. Pourrais-je aller plus loin pour pressentir en Dieu ce désir de retrouver à tout prix ceux et celles qui sont éloignés de lui ? Un Dieu qui ne se résigne pas à nous perdre, qui met tout en oeuvre pour renouer la relation avec nous ?
Pour aller plus loin — À la recherche des perdus (Lc 15,1-10)
On lit trop souvent ces paraboles dans l’horizon de la 3e, dite ‘du fils prodigue’, qui met l’accent sur le repentir. Oui, ce thème du repentir est présent dans nos deux finales. Mais on notera que Jésus ne semble jamais poser de condition préalable aux pécheurs qu’il accueille. Et surtout, les paraboles mettent en scène le désir et les efforts déployés par Jésus, et par Dieu à travers lui, pour retrouver le pécheur. Le verbe que Lc emploie ici pour ‘accueillir’ révèle une disposition intérieure. Comme si Dieu lui-même vivait l’attente et l’espérance face aux gens qui restent éloignés de lui.
Le thème de la joie est répété partout dans les récits et les finales. Non pas parce que Dieu ne tire aucune joie des justes comme Syméon, Élisabeth, Marie. Mais la joie ici est soudaine, causée par l’événement espéré qui surgit enfin : le retour du perdu, les retrouvailles avec le pécheur qui lui revient. “Il faut fêter et se réjouir… !” (15,32)
Le mot ‘perdu’ a presque toujours dans le NT le sens fort de ‘périr’, ‘mourir’. Dans la 3e parabole, “je meurs de faim” utilise le même verbe : je péris, je crève de faim (15,17). Comme dans la parole répétée du père : “mon fils était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé !” (15,24.32). Ce verbe est souvent traduit ‘périr’ : “maître, nous périssons !” ; les grands prêtres cherchaient à le faire périr (6,24 ; 19,47).
Ce choix de mot par Lc dit donc quelque chose du regard que Dieu porte sur le pécheur : il est en danger de mort, d’anéantissement. D’où l’énergie investie pour le sauver. Même sens chez Zachée : “Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu” (19,10). Bien plus que la perte d’un objet, c’est la hantise de Dieu devant notre bêtise qui nous mène à la mort.
Ce visage de Dieu est déjà présent dans les Psaumes et les prophètes. Comme en Ézéchiel : “je chercherai la bête perdue, je ramènerai celle qui s’est égarée, je soignerai la malade,…”. “Vous dites : Nos péchés sont sur nous, nous périssons à cause d’eux… Par ma vie, parole du Seigneur, prendrais-je plaisir à la mort du méchant ? Non ! je désire qu’il se convertisse et qu’il vive !” (34,16 ; 33,11).